Voyage

Elle venait de pénétrer dans une petite clairière éclairée, qui paraissait avoir été épargnée par l'incendie ravageur.
Sur de trop nombreux kilomètres elle pu voir les arbres brûlés, torturés par les flammes de l'enfer qui après avoir longuement léchées les troncs bruns ponctués de petites pousses vertes ne laissaient derrière elles que de gros amas de cendre noir dont l'odeur de mort récente se dispersait aux alentours.
Ce lieu verdoyant, intacte, semblait avoir rechapé au feu par miracle, comme si une main divine, apposant sa paume sur l'herbe tendre, l'avait préservée des langues de feu brûlantes qui avaient goulûment englouties quelques hectares de ces bois centenaire.
Naydra s'avança lentement entre les arbres rescapés qui encadraient la prairie, scrutant le pré elle vit, qui trônait en son centre, un bloc de roche sombre, presque noir, dégoulinant de striures plus foncées encore. Elle l'observa longuement et en déduisit avec dégoût qu'il devait s'agir d'un autel dédié à Dante ou à un autre des quelconques supérieurs des elfes déchus.
Son coeur battant brutalement à un rythme effréné, elle écouta les notes appaisantes qui atteignirent subitement son oreille, portées par le vent léger. Prenant alors conscience de la présence d'un elfe à quelques pas, elle fit brusquement appel à tous les animaux des environs , qui effrayés par un appel trop prompt et imprévu, vinrent s'agglutiner contre ses jambes dans un brouhaha incommensurable.
- Qui que vous soyez je ne vous veux pas de mal, alors sortez de votre cachette!
Elle fut plus surprise par cette déclaration que par l'arrivée en masse des petites et grandes bêtes qui venaient de toutes parts, répondant à sa demande. Se baissant pour ramasser un lapin qui plein de courage lui proposait son aide pour combattre le mal, elle s'exclama:
- Ou vous êtes aveugle ou vous le faite exprès, car je ne suis pas cachée.
Puis s'approchant de quelque pas, elle remarqua le regard vide de son interlocuteur, prise d'un soudain malaise et le rouge aux joues elle se mordilla nerveusement la lèvre avant d'annoncer:
- Je suis navrée, je n'avait pas remarquée que vous étiez... enfin je veux dire votre... bref je m'appelle Naydrha.

Elle applaudit et éclata d'un rire enfantin en voyant l'elfe ce métamorphoser, ne pouvant retenir cet accès de joie devant ce pouvoir qu'elle aurait tant voulu avoir.
Son pendentif diffusant une douce chaleur à son cou lui rappela qu'elle avait ce pouvoir bien que ne sachant le maîtriser.
Son rire cessa alors qu'elle se souvenait des rares fois ou la panique l'avait fait céder à l'appel lancinant de la pierre. Elle songea aux regards terrorisés, aux attitudes subitement pétrifiés de ses agresseurs.
Frissonnant à l'idée de son apparence lors de sa transformation, elle fut prise d'une incroyable curiosité à l'égard de sa monstrueuse physionomie et se promis de se regarder à sa prochaine tentative de métamorphose, lorsqu'elle serait seule dans les bois.
Regardant de nouveau l'animal majestueux qui trônait à ses cotés, elle se senti plus a l'aise avec l'esprit sauvage qui avait prit possession de Moraelin lors de sa transformation.
Machinalement elle s'avança afin de passer la main dans son poil soyeux, et tout en lui grattouillant les oreilles elle lui conta son histoire, déballant tout ce qu'elle avait sur le coeur à cet homme, qu'elle n'avait jamais rencontré auparavant, mais qui lui avait inspiré confiance et qu'elle garderait probablement dans son coeur comme frère de la forêt présent en cas de problème.
Après tout ce n'était pas vraiment un homme... pour pouvoir ce changer en bête quelle qu'elle soit, il fallait avoir le tempérament nécessaire à cette envahissement étranger qui saisissait et malmenait l'esprit afin de confondre les personnalités.
Lui faisant un rapide résumé de sa courte vie, elle oublia les passages difficiles, qu'elle lui conterait peut être plus tard, elle lui raconta son arrivée dans la foret d'est, sa rencontre avec les trois elfes et son souhait de s'entretenir avec la reine Jiha et le roi actuel des elfes de jour dont elle ignorait tout. Elle le regarda, l'observa alors qu'il faisait de même, attentif, bougeant les oreilles à chaque tressaillement de voix, dilatant ses narines pour capter les émotions qui émanaient d'elle.
Elle parlait à haute voix, sans vraiment savoir pourquoi, et cela faisait sûrement parti de ce soulagement qu'elle éprouvait alors que se déversait son flots de parole discontinu. Grâce à ce monologue audible, elle se prouva son appartenance à l'espèce humaine. Elle savait parler, discourir de façon plus ou moins construite. Grâce à des sons complexes elle pouvait se faire comprendre.
Les autres animaux s'aidaient de l'attitude et des gestes, pas elle. S'arrêtant aux milieu d'une phrase, elle sourit au tigre qui même s'il ne pouvait voir percevrait son changement d'attitude dans ses paroles.
- Merci, dit elle simplement, je suis... soulagée de mes constatations.
Puis après un bref silence.
-Accepteriez vous de m'accompagner jusqu'à la Reine tout en me parlant un peu de vous?

Elle se trouvait sur le dos de son compagnon, elle qui osait a peine monter à cheval était en train de chevaucher un tigre!
Cette sensation exaltante lui procurait de délicieux frisson d'adrénaline alors qu'a toute allure elle traversait la foret au odeurs profondes. Ses mains délicatement plongées dans la fourrure épaisse, douce, à la blancheur striée de longes traces noirs, elle ressentait comme jamais la vie floral et animal qui l'entourait.
Son ami quadrupède semblait flotter, elle ne sentait qu'a peine le régulier mouvement de ses épaules, le frôlement de la surface glabre de ses pattes sur la terre humide. Durant ces courts instant, tout souci, toute guerre avait disparue de son esprit. La définition du mot "liberté" lui paru clair, elle comprenait le sens et l'ampleur de cette représentation allégorique qui s'était insinuée en elle.
Durant tout le début du trajet, elle n'avait cessée de parler. Malgré son calme apparent et son visage stoïque, une crachée de lave bouillonnait dans ses veine. La peur. Le risque. La vitesse inquiétante, les arbres feuillues qui défilaient à une allure aussi folle que ses paroles... Elle transmettait au tigre tout ce qu'elle ressentait grâce à cet incroyable échange de pensées, de mots universel.
Pendant près d'une heure ils folâtrèrent ainsi, jouant comme des enfants, profitant simplement de la présence d'un semblable.
Arrivés au sommet d'un petite colline, Naydrha vit son ami humer longuement l'air lourdement chargée d'iode et d'humus. Elle profita de cet arrêt pour mettre pied a terre. S'approchant doucement, elle le mira un instant, fixant ses yeux vert-doré dans son regard opaques.
- Moraelin, reprend forme humaine, la bête prend une trop forte part sur ton esprit.
Pendant quelques minutes une folle inquiétude c'était emparée d'elle, peut etre etait il trop tard... C'était ils à ce point oubliés dans leurs joyeux divertissements?
S'accroupissant à ses cotés elle enfonca ses mains dans les bajoues touffues du fière félin, le saisissant fermement, ignorant son feulement.
- Souvient toi.
C'était simple, clair, si cela ne marchait pas elle serait obligé d'utiliser la magie, au risque d'endommager son système nerveux, à moins qu'elle ne le laisse sous cette forme... Mais alors que toute ces idée traversaient son esprit, elle perçu un léger changement dans son comportement. Quelques temps après l'elfe se tenait a coté d'elle et ne pouvant retenir un franc sourire de soulagement elle lui proposa de retourner chercher son cheval sous forme humaine pendant qu'il lui raconterait ce qui s'était passé.
Après avoir récupéré sa monture, Moraelin accepta de l'accompagner dans sa quête de la Reine et Naydrha ce sentie décharger d'un poids dont elle n'arrivait pas a ce défaire, elle avait a présent une chance de trouver la demeure de sa reine et d'obtenir une audience.
Ils marchèrent ainsi côte à côte, ce partageant l'équidé. Parlant de tout et de rien, ou simplement écoutant la musique envoûtante du vent soufflant dans les branchages. Moraeline entama une mélodie douce, lente dont les sons assez graves se perdaient dans l'immensité céleste qui les entouraient. Ne pouvant que se laisser charmer la petite elfe joignit sa voix suave aux notes délicates, et chanta tout en avançant vers son destin. Ils se retrouvèrent rapidement entourés d'oiseaux et autres bestiaux venu écouter cet étrange duo qui calquait le rythme de leur complainte sur les bruissements des feuillages.