Réapprovisionnement

La grande cité d'Azurka, plus grande cité du pays.... elle y retournait après tant d'années... ce n'était d'ailleurs pas pour son plaisir, car elle n'appréciait vraiment pas ce lieu sale, bondé, plein de relents de sueur et d'effluves de déjections, qui la mettaient mal à l'aise de par sa sensibilité accrue, caractéristique de sa race. Evitant tous les individus qu'elle croisait, qui empestaient la bière, la sueur ou une autre odeur que les hommes semblaient apprécier, qui laissait supposer une nuit mouvementée, elle marchait vite, silencieusement, sur ses gardes. Sans même accorder un regard aux filles de joie qui exhibaient leurs charmes aux passants, elle continua son chemin, les yeux légèrement plissés devant ce spectable de débauche et de déchéance humaine. Ses traits magnifiques recouverts par la capuche de sa longue robe noire, qu'elle portait par-dessus sa tenue de guerrière habituelle en cuir noir, afin de ne pas risquer d'avoir des ennuis (pas de temps à perdre), la jeune et sublime guerrière Elfe de la Nuit repéra enfin l'endroit sans lequel elle voulait se rendre, grâce à un panneau représentant trois dagues entrecroisées.

Poussant délicatement la porte du magasin, Archess Ney entra sans un mot, et se dirigea vers les lames de lancer et projectiles, afin de se réapprovisionner. Trop de ses armes avait été perdues dans les corps des divers Elfes Déchus, mercenaires humains ou Ogres qu'elle avait éliminé ces dernières années. Etudiant les lames, elle entendit un autre client entrer, mais n'en eut cure et continua son examen. Elle choisit un ensemble de dagues, ainsi qu'un nombre considérable d'étoiles de fer, elle se dirigea vers le comptoir afin de payer ses achats, dont elle négocia le prix, et obtint un rabais. Lorsqu'elle eut payé, elle se dirigea vers la sortie du magasin, ne souhaitant pas s'attarder en un tel lieu, ni rester aussi proche des humains. En sortant, elle passa à côté d'un homme tout vêtu de noir, qui semblait assez puissamment bâti, mais dont les traits était dissimulés sous une grande capuche grise. Ce dernier, dont elle perçut instantanément l'aura de puissance et l'agressivité, lui adressa la parole, bien qu'elle ne le connaisse pas....

L'armurerie... c'était un lieu qu'appréciait particulièrement Merenid. Pour deux choses. La première, c'est parce qu'il appréciait le travail bien fait, et donc, si des armes ou des armures dignes de ce nom étaient exposées, il les achetaient pour sa collection, il avait d'ailleurs fait récemment l'acquisition d'un arbalète magnifiquement ciselée et dont la précision l'avait laissé béat d'admiration pendant un certain temps...
La seconde raison c'était qu'ici, il pouvait distinguer les vrais guerriers des amateurs, et ainsi recruter des soldats potentiels, ou éliminer des futures menaces...

Ainsi donc, le visage caché dans l'ombre de sa cape grise, il se tenait les bras croisés juste à coté de l'entrée, comme un videur, mais sans dire un mot, ses yeux gris acier examinant scrupuleusement chaque personne qui entrait et sortait de la boutique.
Il n'avait pas d'ennuis avec le marchand, qui était à la fois effrayé par lui et soulagé, car au moindre signe de grabuge, le prince mercenaire se ferait une joie de réduire le moidre importun au silence... En contrepartie, le commerçant ne devait rien dire à propos de sa présence...
A un moment, le regard du Prince fut attiré par une silhouette en particulier, la cape noire sur la silhouette fine dénottait étrangement au milieu des brutes qui fréquentait l'endroit habituellement...
La démarche vive mais fluide, un port gracieux malgré lé camouflage qu'offrait la cape... c'était un elfe, et c'était une femme d'apres le déhanché que Merenid pouvait deviner au travers du tissu...
Ainsi donc, meme les elfes s'aventurait ici pour faire le plein d'armes? Voilà qui pouvait etre tres interressant...

Le Prince avait les yeux rivés sur cette jeune femme, son regard glacé suivant le moindre de ses gestes, et il vit qu'il n'avait pas affaire à une amatrice, elles surveillait l'équilibre des armes de lancer, et se permettait meme de discuter les prix avec le commerçant... Ca allait etre drole...

Merenid posa le regard sur les quelques hommes qui faisaient partie de sa troupe qui étaient dans le magasin, et leur fit un signe de la main, signifiant qu'il fallait qu'ils sortent, et qu'ils se rendent au campement dans le seconde qui suivait.

Peut etre par respect, plus probablement par peur des représailles, les hommes sortirent discrètement de l'échoppe...

Peu apres, ce fut au tout de la jeune femme de se diriger vers la sortie, et tandis qu'elle passait à coté de la porte, Merenid lui souffla de sa voix rauque et sèche

"Attention demoiselle elfe, les ruelles ne sont pas sures pour les gens de votre peuple, les mercenaires se mèlent bien trop facilement à la foule, il serait dommage que vous poerdiez la vie en ces lieux..."

Son visage caché par sa capuche, Merenid souriait un peu, d'un demi-sourire étrange et angoissant, qui montrait aisément qu'il avait toujours quelque chose derrière la tete.
Il avait presque envie de rire, mais il se retint, la dernière fois, son inattention avait fait échouer son plan, cette fois-ci, aucun signe extérieur ne permettait de deviner qui il était, sa bague soigneusement rangée dans une de ses poches lui permettait de circuler comme une ombre dans cette ville...

Tout en rangeant ses achats, la jeune Elfe avait senti qu'un certain nombre de clients quittaient simultanément la boutique, ce qu'elle trouva suspect. D'instinct, elle se sentit en danger. Prudemment, elle se dirigea vers la sortie, lorsque l'homme vêtu de gris, au visage dissimulé sous une capuche, lui adressa la parole d'une voix sèche.

Lorsque ce dernier eut fini de la menacer, par ses apparentes mises en gardes qui étaient tout sauf innocentes, Archess Ney planta son regard d'argent pur dans celui, gris acier, de son interlocuteur, l'observa, inscrivant ce visage méprisant dans sa mémoire, et répondit d'une voix douce, sans aucune animosité:

"Je vous remercie de votre prévenance, doux sire. Je sais que les ruelles ne sont pas sûres pour ceux de mon peuple, mais elles ne le sont pour personne.... En outre, de preux sieurs tels que vous sont là afin d'empêcher toute agression de la part d'individus agressifs, n'est-ce pas..... Merenid. Votre maîtrise des arts martiaux et des armes est bien connue."

Tout en restant totalement impassible, sans changer le ton de sa voix, Archess Ney prononça ces paroles avec une ironie mordante, que Merenid ne put que remarquer malgré la candeur du regard étincellant de la sublime jeune Elfe de la Nuit....

Contrairement à ce que la jeune femme elfe avait pu penser, le regard du Prince mercenaire n'avait rien de méprisant, il était juste froid.
Mais du froid planant et insidieux qui se dégageait de la personne de Merenid, celui-ci passa à un froid intense et tranchant, aussi incisif et irréversible que la mort.
On aurait pu croire que la température était descendu d'une bonne vingtaine de degré dans la pièce.
Merenid leva lentement les yeux,et adressa un large regard à toutes les personnes présentes dans la boutique, qui, par instinct peut etre, se dirent qu'elles viendrait faire leur emplètes plus tard... le marchand lui meme alla faire un tour dans l'arrière salle pour voir s'il n'avait pas quelque chose à faire.
Alors, avec cette meme lenteur et inexorabilité , le Prince ota sa capuche, et posa ses yeux glacés sur la belle elfe.
Pour un humain, Merenid avait plutot un beau visage, la cicatrice lui ornant le sourcil droit et sa barbe naissante lui donnant un certain charme guerrier.
Mais là, son visage ressemblait plutot à une statue de marbre. Pas une ride, pas une expression ne perçait au travers de sa face, ni meme au travers de ses yeux, si ce n'était une détermination incomensurable.
Le prince se contenta de se redresser et de décroiser ses bras doucement, se mettant face à la jeune femme qu'il avait devant lui, et alors il parla, d'une voix monocorde toute aussi gelée que le reste de son attitude...

"Je n'autorise personne à m'appeler ainsi, ni vous, ni votre Reine aux oreilles trop longues, ni cette abomination de Dante... Personne.
Non, je ne suis pas Merenid. Mon frère est tout en haut de la liste dont vous risquez rapidement de faire partie si vous continuez dans cette voie"

Une sombre flamme luisait maintenant dans le regard du Prince, une flamme luisant de colère, et, tandis qu'il continuait à parler, ses mots s'échappaient de sa bouche comme autant de couperet qui chacun, tour à tour, auraient assassiné l'elfe qu'il avait en face de lui.
Merenid avait toujours été habile comédien. Meme Dante, ou Valinaar qui le connaissaient mieux que personne auraient été dupés, alors cette jeune femme, elle n'y verrai que du feu....

"Maintenant, je vais vous laisser le choix... Soit vous vous excusez et je vous laisse partir, en ce cas nous ne nous reverrons sans doute plus, soit..."

le prince serra les poings, et ses articulations émirent un petit craquement distinctif tandis qu'il pencha sechement sa tete sur le coté pour que les articulations de son cou craquent aussi.
Il prit une inspiration, comme pour calmer une rage sourde qui semblait monter en lui, et reprit

"Merenid mourra. De ma main. J'en ai fait le serment. Mais prononcez encore une fois le nom de mon batard de frère, et vous ne verrez plus jamais le soleil se lever... Jamais."

Merenid était plutot fier de lui intérieurement. Cela l'ennuyait fortement de devoir mettre à mal son nom ainsi, et cela l'ennuyait encore plus de se faire découvrir aussi facilement. Mais la colère qui montait doucement en lui rendait sa mascarade mille fois plus crédible, et si Jyha s'était faite prendre au jeu, alors qu'ellle se méfiait de tout, il était certain que cette jeune femme ne se douterait de rien...

A l'instant où elle prononça ce nom, la jeune Elfe remarqua la lueur de pure haine et de colère qui apparut au fond des yeux de son interlocuteur. Bien qu'elle sache parfaitement qui ile était, elle préféra calmer la situation, comme elle le faisait toujours, car elle n'était pas venue pour se battre, et encore moins contre le Prince-Mercenaire Merenid, dont la mortelle dangerosité était connue à travers tout le pays....

Sachant que la moindre de ses paroles pourait lui être fatale, elle pesa soigneusement ses mots, rentrant dans le jeu, certes mortel, de Merenid:

"Je vous présente d'humbles excuses, doux sire. Je vous prie de me pardonner ma méprise, je ne connais votre frère que de vue et de réputation, c'est pourquoi je vous ai pris pour lui. J'espère que vous m'en pardonnerez.... je vois que je vous ai fortement irrité, et j'en suis gênée. Afin de ne pas vous offusquer davantage, je pense que je vais vous laisser, et m'en retourner là d'où je viens."

Archess Ney savait parfaitement que l'homme qui se trouvait en face d'elle était Merenid, mais si ce dernier réagissait ainsi, il valait sans doute mieux s'excuser, puis quitter les lieux, d'autant plus qu'elle n'avait plus rien à y faire... Sans avoir cessé de fixer le regard du Prince des Mercenaires de ses yeux d'argent, le bras-droit de la Reine des Elfes de la Nuit se prépara tout de même à une éventuelle attaque de la part du tueur qu'elle avait en face d'elle, le sachant totalement instable.....

Intérieurement, Le Prince mercenaire ne savait pas trop ou il en était... l'attitude d'Archess était bien étrange, soit elle avait cru à son mensonge, soit elle jouait un jeu bien dangereux... Qu'importe, dans les deux cas, il devait continuer sa comédie comme si de rien n'était...
Aussi baissa t'il la tete, et se réadossa à l'encadrure de la porte de l'échoppe, croisant les bras sur sa poitrine, semblant accepter les "excuses" de la belle elfe qu'il avait devant lui, meme si sa voix était toujours grave et monocorde, l'ambiance de la pièce était beaucoup moins froide et tendue qu'auparavant...

" Faites ce que vous voulez, je vous ai prévenu, c'est tout. Merenid est un chien galeux qui déshonore le nom de notre famille, et si je le retrouve, je tapisserai les rues de cette ville de confettis sanglants...
Maintenant faites à votre aise, je n'ai rien contre vous, d'ailleurs c'est à moi de m'excuser d'avoir réagi si violemment jeune dame, simplement, ne me parlez pas de cet etre infame, ni de ce pourceau de Dante qu'il sert comme un esclave..."


Heureusement que le Prince avait appris à différencier son "etre" et son "paraitre", car en parlant de Dante il sentait un relan de désir de vengeance lui remonter à la gorge et il se retenait pour qu'on ne puisse voir un sourire sadique se dessiner sur ses lèvres à cet instant...